Le paradoxe du management
Le constat est unanime : l’environnement dans lequel évolue les entreprises est complexe. Faisons un rapide tour d’horizon : pas une année sans de multiples réformes sociales et fiscales, des pratiques commerciales (vente et achat) qui visent plus la rentabilité que la qualité au détriment du consommateur, un assaut « réglementaire » de toute part et à tous les niveaux, le poids d’une opinion publique qui manque parfois de lucidité, un climat « relationnel » de plus en plus mis à mal et pesant.
Bref, voilà nos chefs d’entreprise au bord de la crise de nerfs, à jongler avec leurs multiples casquettes : RH, financier, commercial, manager, économiste, juriste, et j’en oublie certainement.
Le premier réflexe serait de leur dire : « Mais délègue, il en va de ta santé et de celle de ta société ! ». Oui mais voilà : déléguer n’est pas aisé ! Comme me le disait un client lors d’un accompagnement : « Si je délègue, je perds mon pouvoir ».
Dressons alors le tableau : un dirigeant ou une équipe dirigeante assaillit de toute part par de multiples contraintes et problèmes, devant être présent sur tous les fronts, proche de l’épuisement physique et psychique, incapable de prendre du recul sur les événements, enfermé dans un processus de décision cloisonnée et de plus en plus inadapté, avec à la clé le risque de prendre de mauvaises décisions, et qui va mettre la pression sur ses collaborateurs, en leur enjoignant d’être plus efficaces, plus impliqués, plus engagés.
Et c’est là que réside tout le paradoxe : comment amener ses collaborateurs à plus de motivation et d’engagement quand on ne leur en donne ni les moyens, ni les opportunités ? Si les responsabilités sont centrées sur un petit nombre de personnes, il ne faut pas attendre des autres salariés une implication de tous les instants. En d’autres termes, à force de véhiculer les messages subliminaux « Contente-toi de faire ton boulot, je m’occupe de tout le reste », l’idée que l’herbe est plus verte ailleurs fait très vite son chemin dans l’esprit des collaborateurs, surtout chez les plus jeunes. Croire que la fonction de dirigeant implique de facto de tout gérer, tout contrôler, tout supporter, est peut-être l’erreur la plus grande.
Inversez les « pouvoirs »
Prenons le raisonnement inverse : pas de salariés, pas de société. Moins une entreprise est à même de conserver ses forces vives, plus elle se met en danger car le pire pour elle est de voir partir des personnes qualifiées et donc de perdre en compétences. En d’autres termes : moins on maîtrise l’environnement extérieur de l’entreprise, plus on malmène l’environnement interne en concentrant les « pouvoirs » en haut de la pyramide hiérarchique.
Pourquoi donc un chef d’entreprise a-t-il autant de mal à déléguer ? Pense-t-il qu’il est le seul à comprendre le fonctionnement de sa société, à pouvoir prendre les bonnes décisions, à faire face aux situations difficiles ?
Je vais être directe : il m’arrive de penser que les entrepreneurs prennent leurs salariés pour des débiles, incapables de l’épauler. Pourtant, dans la vie privée, ce sont des gens responsables, qui prennent des décisions, qui ont à étudier / analyser des situations parfois complexes auxquelles ils sont confrontés. Pourquoi ces aptitudes disparaitraient-elles dans le cadre professionnel ? et pour couronner le tout, n’oublions pas que ce sont justement ces personnes qui connaissent le mieux le fonctionnement de la société, car elles en maitrisent le savoir-faire, c’est-à-dire ce qui est attendu par le client. Et sans client, plus de société.
Donc, pour que l’entreprise perdure, elle doit monter en compétences (développer les savoir-faire) et cela avec le soutien de la hiérarchie (savoir-être). Plus schématiquement : les savoir-être doivent être au service des savoir-faire, car ce sont les savoir-faire qui produisent, et non l’inverse.
Le principal bénéfice de cela : être au service signifie être à l’écoute et être disponible pour :
- avoir une vision exhaustive et systémique de l’environnement interne et externe de l’entreprise, et ainsi prendre des décisions pertinentes et aidantes,
- créer et innover, en permettant à chacun d’exploiter ses talents et potentiels au service de l’entreprise,
- résoudre plus rapidement les problèmes en s’y mettant à plusieurs.
L’entreprise met alors le pied dans ce qui sera la clé de son succès : l’intelligence collective.
L’intelligence collective : quésaco ?
L’intelligence collective – ou IC – est une « discipline » récente, les premières recherches datant des années 1990, dont l’émergence a été favorisée par le déploiement des nouvelles technologies (facilitant les échanges et les partages d’information), la culture d’entreprise (une « identité » à laquelle se rattacher) et l’impact du leadership sur la performance des équipes (et le bien-être des équipiers).
Même si en plein essor, deux notions sont associées à l’intelligence collective : la performance et le bien-être des individus.
Elle n’est pas pour autant précisément définie puisque tout dépend de l’angle de vue sous lequel on l’étudie :
- lorsqu’il s’agit de faire face à un changement important : capacité à intégrer ce changement et à s’organiser en conséquence (Karl E. Weik) ;
- lorsqu’on étudie l’évolution des sociétés : converger vers une mobilisation des compétences (Pierre Levy),
- lorsqu’il s’agit de pérennité des entreprises : accélérer les capacités d’adaptation en créant un cercle vertueux de questions / réponses (Olivier Zara),
- lorsqu’il s’agit d’étudier l’aptitudes des groupes à évoluer : (Jean-François Nobel) : capacité d’un groupe à construire le futur qu’il aura lui-même déterminé.
Chez EQUIEM, nous pensons que l’intelligence collective doit pouvoir s’inscrire dans n’importe quel type de structures, publiques et privées, grandes ou petites. Elle est à la fois capacité et modèle :
- La capacité d’un groupe d’individus à allier performance durable (et donc sociétale) et développement personnel.
- Un modèle d’organisation qui facilite l’autonomie et l’engagement afin de créer de l’agilité, de favoriser la créativité et l’innovation, pour le bien de tous (y compris de la société civile) et de la structure.
En d’autres termes :
1 pour tous & tous pour 1
+
1 + 1 = 3
Les sports d'équipe offrent une analogie pertinente pour comprendre l'intelligence collective dans le monde de l'entreprise :
- Objectifs communs : une équipe sportive vise la victoire et pour cela, elle va faire converger tous les talents et tous les efforts de ses équipiers dans ce sens. L'intelligence collective favorise l’atteinte des objectifs communs (stratégiques, qualité, environnementaux, etc.) de l’entreprise. la convergence des efforts vers ces buts partagés.
- Coopération et coordination : Dans les sports d'équipe, chaque membre a un rôle spécifique mais complémentaire pour atteindre l'objectif. De même, dans une entreprise, les individus possèdent des compétences différentes mais essentielles pour la réussite collective.
- Communication efficace : Les équipes sportives réussissent grâce à une communication fluide et à une compréhension mutuelle. De la même manière, dans une entreprise, une communication ouverte et transparente favorise l'intelligence collective en permettant aux idées de circuler librement.
- Adaptabilité et résolution de problèmes : Les équipes sportives s'adaptent aux stratégies de leurs adversaires, tout comme les entreprises doivent s'adapter aux changements du marché. L'intelligence collective favorise la capacité à résoudre des problèmes de manière agile et créative.
- Leadership partagé : Dans les sports d'équipe, le capitaine n'est pas le seul à guider. Chaque membre peut apporter son expertise pour orienter l'équipe. De même, l'intelligence collective favorise un leadership partagé où chacun peut influencer et motiver les autres.
Les bénéfices attendus de l’IC
Imaginez votre entreprise porter les principes de l’IC : partage des connaissances, travail coopératif où le bien commun prédomine sur les attentes individuelles, le sentiment partagé par tous que chacun a sa place et son rôle à jouer dans l’entreprise et que celle-ci reconnaîtra individuellement et collectivement les efforts déployés. Vous y êtes ? Dans ce cas, vous pouvez cartographier toutes les retombées positives au niveau organisationnel, opérationnel et individuel :
Conclusion
On dit le monde VICA : volatile, incertain, complexe, ambigu, mais il en a toujours été ainsi. Ce qui diffère peut-être des précédents cycles d’évolution est le temps d’adaptation entre deux cycles. Quand on réalise que les chevaux ont servi au transport des biens et des personnes jusqu’au milieu du 19ème siècle et qu’ensuite, en à peine un siècle, l’homme a non seulement développé le chemin de fer, l’automobile et l’avion, mais est allé en plus sur la Lune, il y a de quoi avoir le tournis ! Il est donc dans l’ordre naturel des choses que les entreprises soient soumises à des fluctuations plus ou non difficiles à aborder. Ce qui est certain est que leur organisation et leur stratégie ne peuvent rester invariablement figées. Cela signifie que si les métiers doivent évoluer, ceux des managers et dirigeants doivent s’adapter pour supporter et accompagner cette évolution. Il semble donc nécessaire de déployer un management au service des salariés pour que ces derniers puissent à leur tour libérer le collectif.
Mais plus encore à l’heure actuelle, il faut également savoir miser sur la diversité : diversité des compétences, des idées, des cultures, des expériences. Bref, aux dirigeants et managers de favoriser et de soutenir l’intelligence collective !
C’est un important changement de paradigme pour certains, qui impliquent de revisiter la fonction de manager mais également de se remettre en question et de miser sur ses savoir-être plutôt que sur ses savoir-faire.
Si cette perspective vous inquiète ou vous stimule, il existe un moyen expérientiel et puissant pour se (re)découvrir et évaluer son potentiel pour affronter dans les meilleures conditions possibles ces grands changements : l’accompagnement facilité par le cheval. EQUIEM vous en dit plus à ce sujet dans de prochains articles.
En attendant, n’hésitez pas à nous soumettre vos besoins en matière d’intelligence collective et d’accompagnement au changement, nous sommes à votre écoute (c’est par ici).